Le département du Val de Marne a enregistré une très forte progression du nombre de réponses : 5600, soit deux fois plus qu’en 2019 (voir https://partagetarue94.fr/2021/12/10/barometre-des-villes-cyclables-2021-participation-record-dans-le-val-de-marne/ ). Comment ces cyclistes jugent-ils leurs conditions de circulation ?
Les réponses ont pu être analysés pour les communes ayant fourni 50 réponses ou plus, c’est à dire 45 villes sur les 47 du département – seules Ablon et Orly ont pu être analysées faute d’avoir atteint ce seuil- . Notre association n’est pas la seule à pouvoir en parler et nous incitons vivement les cyclistes à consulter d’autres associations du Collectif Vélo Ile de France qui connaissent bien les situations locales:
- Le Nez au Vent, Marolles en Brie https://www.lenezauvent94.org/
- Sucy Environnement et transition https://set94.org/
- Vincennes à Vélo http://www.vincennes-a-velo.fr/
- Fontenay Vélo https://www.fontenayvelo.org/contact/
- MDB antenne Maisons-Alfort-Alfortville https://mdb-idf.org/category/nos-relais-locaux/alfortville/
- MDB antenne Nogent-Le Perreux https://mdb-idf.org/category/nos-relais-locaux/nogentleperreux/
- MDB antenne Ivry-Vitry-Choisy https://mdb-idf.org/category/nos-relais-locaux/ivryvitrychoisy/
- PVSM antenne St Maur – Joinville https://placeauvelo-saintmaur94.org/
- Val de Bièvre à Vélo (Arcueil) valdebievre@mdb-idf.org
- Paris en Selle – antenne Paris est Marne et Bois marnebois@parisenselle.fr
- Paris en Selle Val de Marne Est https://parisenselle.fr/groupes-locaux/
Premier constat : seule une ville, Bonneuil, est classée “plutôt favorable”. La grande majorité des villes du 94 se classent dans la catégorie “Plutôt défavorable”, “défavorable” ou “très défavorable”. En cela, le 94 ne se distingue pas fondamentalement des autres départements de la banlieue proche (92, 93) où les cyclistes doivent aussi circuler dans un environnement conçu pour les véhicules motorisés avec de nombreuses coupures urbaines (voies d’eau, voies ferrées, autoroutes). La moyenne du 94 (2,74) est notablement inférieure à celle de Paris (3,33), ou d’autres métropoles comme Lyon (3,51), Strasbourg (4,18) ou Nantes (3,64) mais supérieure à celle de Marseille (2,08).
Les notes moyennes varient fortement d’une commune à l’autre. A l’opposé du cas de Bonneuil évoqué plus haut, des villes comme Villeneuve St Georges, Kremlin-Bicêtre ou Chennevières ont des notes moins élevées. Une autre information que livre l’enquête est la progression ressentie par les cyclistes entre 2021 et 2019. Le classement selon ce critère n’est pas très différent de celui livré par la note moyenne puisqu’on trouve en gros les mêmes villes en haut du tableau (Bonneuil, Vincennes, Charenton, Marolles,… ) et les mêmes villes en bas de tableau (Villiers sur Marne, Villeneuve St Georges, Kremlin-Bicêtre, Chennevières, …).
La cartographie des sites à améliorer en priorité est une autre information essentielle issue du baromètre. Par exemple les axes Est-ouest comme la D148 ou la D86 apparaissent nettement, en particulier leurs tronçons non aménagés pour les cyclistes.
Qu’est-ce qui explique les différences entre villes ? Penchons nous sur quelques villes dont nous connaissons un peu les conditions de circulation locales.
Dans le cas de Bonneuil, la ville bénéficie depuis plusieurs années de deux grands axes équipés par le CD94 de pistes cyclables protégées : la D19 d’une part, l’axe D1-D10-D130 d’autre part. La ville a aussi instauré une zone 20 dans le centre ancien qui contribue à pacifier la circulation. Ces dernières années, deux axes supplémentaires ont été aménagés : une voie verte le long de la D101 reliant Bonneuil à Limeil Brévannes et une piste cyclable bidirectionnelle sur l’axe formé par l’avenue de Verdun et la rue d’Oradour. Malgré des coupures urbaines pénalisantes – voie rapide D406, voies ferrées, Marne, port de Bonneuil – ces aménagements expliquent que la ville soit bien notée par les cyclistes.
Parmi les villes classées “moyennement favorables” la présence de Charenton peut s’expliquer par la préparation et l’adoption d’un plan vélo complet en 2021, par l’amélioration de la piste cyclable de la D6, et par l’ouverture d’une nouvelle piste cyclable sur le pont Mandela reliant la ville à Ivry. Dans le cas de Joinville le Pont, on peut citer l’existence d’un réseau significatif de pistes cyclables (liaisons avec Paris par les bords de Marne, D148 vers Maisons Alfort, D86 vers Paris), l’ouverture d’une nouvelle piste cyclable avenue de Paris, et l’organisation d’une bourse aux vélos avec le soutien de la ville.
Parmi les villes classées “plutôt défavorables”, Maisons Alfort a des facteurs positifs (pistes cyclables continues le long de la D6 et de la D19, aménagement pacifié de la place de la gare avec un stationnement vélo amélioré), mais aussi des facteurs moins favorables expliquant la notation des 240 répondants (peu de protection sur la D148 et sur les bords de Marne, traversée vers Alfortville par la D19, peu de zones 30). Saint Maur , la ville où plus de 400 cyclistes ont répondu, a le même classement, sa situation comprenant à la fois des aspects positifs (passage de la ville entière en zone 30, ouverture de nouvelles pistes cyclables notamment le long de la Marne) et des aspects moins positifs comme l’opposition de la Ville à l’aménagement cyclable de la D86. A Ivry sur Seine, certains facteurs ont dû jouer favorablement (ouverture de nouvelles pistes cyclables cours de l’industrie et pont Mandela par exemple) mais d’autres facteurs ont joué en sens inverse (manque de continuité cyclable cours de l’Industrie, difficulté de franchir les voies ferrées et le coteau de façon protégée, liaisons Ivry-Paris parfois chaotiques). Dans le cas de Nogent sur Marne, (près de 300 réponses) le démarrage du chantier de la passerelle piétons-vélos le long du pont de Nogent et la perspective de pérennisation des coronapistes avenue de Joinville a dû jouer positivement, même si plusieurs grands axes manquent d’aménagements sûrs. Valenton recueille une note supérieure aux communes voisines, sans doute grâce à l’existence de pistes cyclables sur plusieurs grands axes et d’une voie verte (Tégéval), et malgré la persistance de sections dangereuses non protégées sur la D102-. Le classement d’Alfortville, qui a ouvert des bandes cyclables temporaires sur plusieurs voies en 2020, est sans doute pénalisé par le manque de franchissement protégé de la Seine et par l’état moyen de la passerelle d’Alfortville à Charenton sur la Marne.
La liste des villes classées “défavorables” commence par Sucy en Brie : la création d’une piste cyclable rue Montaleau et l’existence de zones 20 n’y compensent pas le manque d’aménagements cyclables continus sur la D111 et la D124. Limeil Brévannes a bénéficié de l’ouverture de la voie verte de la D102 vers Bonneuil, mais le manque de continuité cyclable dans la ville – un exemple étant le tracé discontinu de la voie verte Tégéval- a dû jouer en sens contraire. La ville de Boissy St Léger se trouve aussi dans cette catégorie, sans doute parce que le grand chantier autoroutier de la déviation de la D19 a pénalisé les cyclistes, sans qu’un budget soit prévu pour aménager une piste cyclable sur l’ancienne 2×2 voies où le trafic motorisé a fortement diminué. A Créteil , les 230 répondants ont été moins sensibles aux initiatives de la ville (apprentissage du vélo aux scolaires, rénovation d’un itinéraire cyclable) qu’à l’absence de rénovation de la piste de la D19 et au manque d’aménagement le long de la D86. Ils ont sans doute aussi tenu compte du report de l’aménagement piétons-vélos du carrefour Pompadour, du démantèlement des coronapistes et de l’absence de publication du plan vélo annoncé depuis bientôt 3 ans. Choisy le Roi aurait pu enregistrer un score plus élevé maintenant que la passerelle piétons-vélos sur la Seine est ouverte, mais la dangerosité des bandes cyclables tracées récemment le long du T9 et le manque de continuité cyclable sur la D86 ont dû influencer les usagers en sens opposé. Dans le cas de Champigny, les perturbations liées aux chantiers du GPE , très pénalisantes pour les cyclistes, expliquent en partie le classement de la ville car la construction en cours de la passerelle piétons-vélos le long du pont de Nogent n’a pas encore produit d’effets positifs. Le classement “défavorable” de la ville de Vitry sur Seine peut surprendre puisque la D5 y a été récemment équipée d’une piste cyclable à l’occasion du chantier du tramway T9. Mais le manque de protection des déplacements dans le sens Est-Ouest (D148) et l’état moyen de la piste de l’EV3 en bord de Seine – qui est de plus chahutée par les inondations, le projet de port Haropa et le projet de bus en site propre TZen5 – ont dû jouer en sens opposé.
Dans les villes classées “très défavorables” par les usagers, la présence du Kremlin Bicêtre s’explique en partie par l’arbitrage de la Ville défavorable à la coronapiste de la D7 qui , aux portes de Paris, était la plus fréquentée du département. Deux communes, Ormesson sur Marne et Chennevières sur Marne, sont voisines dans le bas du classement comme dans la géographie. Cela peut résulter de l’insuffisance des aménagements cyclables dans un contexte très routier (D111 dans Ormesson, D233 dans Ormesson vers Sucy, D4 dans Chennevières, pont de Chennevières, montée vers le coteau par la D123 dans Chennevières). Enfin, la note de Villeneuve St Georges tient en partie à la géographie physique (coteau, Seine, Yerres) et aux autres coupures urbaines (voies ferrées, D6), mais les usagers ont dû aussi tenir compte de la discontinuité des aménagements cyclables dans les passages clés (franchissement du coteau, passage au-dessus de la gare de triage, débouché du pont de Villeneuve St Georges, piste de la D6 non connectée au réseau viaire) et de l’état moyen de certains d’entre eux (par exemple en rive droite de Seine).
Ce tour d’horizon s’est concentré sur des communes que notre association connaît par ses balades, ses adhérents, ses tractages, ses reportages, ses ateliers, ses emplettes. Il est loin d’être exhaustif, et nous invitons à consulter les associations citées plus haut pour des explications complémentaires. Le plan de circulation départemental 2009-2020 prévoyait de faire passer la part modale des déplacements à vélo à 9%. Ce seuil n’est pas impossible à atteindre dans le futur : Certaines villes évoquées plus haut – Strasbourg, Grenoble, Lyon, Paris – y sont déjà ou s’en approchent alors que leur densité urbaine n’est pas si différente. Mais ces villes ont davantage adapté leur voirie au vélo que notre banlieue où la discontinuité des aménagements cyclables décourage encore beaucoup la pratique quotidienne. Espérons que les multiples acteurs concernés – Etat, région, CD94, EPT, Villes, GPE, SNCF, IDFM, VNF, Haropa… – agiront ensemble dans ce sens car la demande est là ….
Un grand merci pour cette synthèse et ces explications sur les (non)aménagements routiers. En espérant que les communes et la région s’inspirent des villes citées en exemple. La cohabitation est possible, et la part des transports doux doit se développer !
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Bravo et merci pour ce travail réalisé avec finesse et précision. Nous espérons que vos efforts seront suivis de réponses concrètes de la part des Villes. Bonne continuation !
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