Maisons-Alfort, où la voiture règne sans partage

A trois kilomètres de Paris, sur les bords de la Marne, la ville de Maisons-Alfort, sixième ville du Val-de-Marne par sa population, est traversée par l’autoroute A4 et par trois routes départementales, dont deux à deux fois deux voies.

La voiture est partout, en force: en files de bouchons aux carrefours d’Alfort ou de la Croix des Ouches, dans la longueur de l’avenue du Général de Gaulle devant la mairie et son feu rouge, dans les rues de Charentonneau (vaste quartier pavillonnaire vécu indissociablement de l’automobile) en stationnement sur les trottoirs, en doubles files devant la Poste avenue Cadiot ou le centre sportif Georges Pompidou…

La voiture est omniprésente, écrasante, indispensable presque, vu la faiblesse des alternatives. Les gens à pied et à vélo doivent lui faire place au quotidien.

En effet la voiture individuelle requiert en moyenne 10 m² de surface, stationnée 23h par jour. Elle occupe toujours la majorité de l’espace public alors qu’elle ne concerne qu’un tiers des déplacements. Les projections la situent même autour de 20% de part modale actuellement (chiffres du Département de 2016, en attendant la prochaine étude de l’OMNIL, l’observatoire de la mobilité en Ile-de-France).

Les piétons maisonnais à la peine

Maisons-Alfort a reçu la note « E » au baromètre des villes marchables 2021 (« plutôt défavorable »; G étant la pire note).

Tous les trottoirs maisonnais ne sont pas aux normes réglementaires (1,40 m), loin de là. Et on les trouve généralement encombrés de voitures en stationnement. Le stationnement à cheval sur trottoir y est en effet innombrable. Dans sa version « sauvage », il est manifestement toléré (bien que très gênant au regard du code de la route). Et il est bien souvent « officialisé », institutionnalisé: la commune y matérialise des places de parking, souvent des deux côtés de chaque rue, dès que possible.

Cette possibilité est certes prévue par le code général des collectivités territoriales, mais très encadrée. Vous trouverez l’état du droit ici, et . Un tel stationnement matérialisé requiert 1,40m d’espace laissé pour les piétons (1,20 m possible ponctuellement pour le passage d’un obstacle), le compte y est rarement.

On observe que nombreux piétons préfèrent marcher sur la chaussée plutôt qu’emprunter les trottoirs encombrés, sitôt qu’il n’y a pas de voiture à l’horizon.

Maisons-Alfort est une ville difficile à marcher, désagréable et parfois dangereuse à pied. Petit tour d’horizon.

Un matin sur le chemin du collège Nicolas de Staël, rue Victor Hugo. On joue des coudes sur les maigres trottoirs.
Le quartier pavillonnaire de Charentonneau, son double stationnement à cheval sur trottoir, partout.
Entre les poubelles et les camionnettes, pas facile d’apprendre à marcher rue Parmentier.
Le passage Imberdis, très fréquenté par les piétons dont les enfants de trois écoles alentours, est un raccourci bien connu des automobilistes maisonnais, qui l’empruntent dans les deux sens! Les « trottoirs » font 50 cm. Les riverains ont obtenu dernièrement une limitation, à 30 km/h… Le nouveau panneau est régulièrement tordu par le stationnement.
Le stationnement sur trottoirs est institutionnalisé avec des aménagement récents, exemple rue Georges Médéric.
Institutionnalisé ou « sauvage » comme ici, le stationnement à cheval sur trottoir concerne tous les quartiers, ici côté Juilliottes, près de la médiathèque.
Dernière variante: le stationnement sur trottoir institutionnalisé « débordant »…
Devant l’ensemble sportif Georges Pompidou et la Maison pour tous du même nom, les automobilistes s’entre-bloquent plusieurs fois par jour, pour déposer des enfants. Ici ce samedi, même la police y participe ou s’en trouve gênée, un peu des deux sûrement…

Incivilités, mises en danger, rien ne se passe

Les gens à pied comme à vélo sont régulièrement mis en danger par les automobilistes. Les contrevenants sont manifestement tranquilles, les polices municipale et nationale intervenant manifestement bien rarement.

Les passages piétons servent aussi pour stationner (ici rue Paul Vaillant-Couturier, devant l’une des sorties de l’école Parmentier).
Stationnement très gênant pour les piétons comme les cyclistes, rue Jean Jaurès (D6).
Malgré l’interdiction bien visible, des automobilistes stationnent sur l’entrée de secours de l’école Parmentier (avenue du Général de Gaulle), gênant chaque jour ou presque des dizaines de parents et d’enfants.
La ligne jaune discontinue interdit le stationnement devant la ligne. Théoriquement. Ici quartier des Juilliottes.

L’inaction côté vélo

A Maisons-Alfort, deux pistes cyclables séparées du trafic motorisé sont aménagées le long des deux principaux axes de circulation en direction de Paris, sur la D19 (avenue du Général Leclerc) et la D6 (avenues du Général de Gaulle, du professeur Cadiot et Léon Blum). Ces pistes départementales sont assez efficientes: nombre de cyclistes les emploient, notamment pour les déplacements pendulaires vers et depuis Paris. Ces deux aménagements doivent expliquer le score pas si catastrophique de la ville au baromètre des villes cyclables (E tout de même: « plutôt défavorable »).

Ces pistes présentent toutefois de nombreux défauts: les priorités sont souvent indistinctes aux intersections, elles sont discontinues (disparaissent aux arrêts de bus par exemple), parfois bidirectionnelles elles peuvent être déportées d’un côté ou de l’autre de la départementale, etc. Surtout, elles sont construites sur les trottoirs et non sur la chaussée. Les conflits d’usage sont nombreux, la vigilance est requise pour piétons et cyclistes.

Et surtout il n’y a pas que Paris et le « vélotaf » dans la vie. Les usagers et les associations cyclistes demandent de longue date un complément transversal, un « barreau » plus local qui, à Maisons-Alfort, permettrait de relier les quartiers résidentiels de Charentonneau et des Planètes avec le Centre, son marché, la mairie et la gare RER: une piste cyclable bidirectionnelle sur l’avenue de la République. Sans succès jusqu’alors: réponse d’attente du département, silence radio des deux municipalités interpellées…

Le « chaînon manquant » : la piste cyclable avenue de la République…

Au nord sur les bords de Marne, avenues Foch et Joffre, la ville a aménagé il y a une dizaine d’années « 4 km de promenade accessible aux piétons, cyclistes et automobilistes dans le cadre du dispositif réglementaire de chaussée partagée qui donne la priorité à l’usager le plus vulnérable et d’une zone 30 qui limite la vitesse des automobilistes à 30 km/h sur toute la longueur des voies. » Initialement, une large piste cyclable bidirectionnelle était prévue, mais la mairie a reculé face à une bronca d’automobilistes, ne voulant pas renoncer à un sens de circulation. L’aménagement au final est raté, il ne satisfait pas grand monde. Les gens à vélo y sont régulièrement « pressés », klaxonnés ou doublés dangereusement par des automobilistes pressés…

Hors des trois aménagements cyclables précités, il n’y a rien ou presque pour les mobilités actives:

  • peu de rues à 30 et pas de « zone 30 » proprement dite, pour apaiser la ville;
  • pas de « doubles sens cyclables »*, permettant aux gens à vélo d’emprunter des rues étroites dans les deux sens;
  • pas de « sas vélo » aux feux, permettant aux cyclistes de s’insérer et démarrer posément, et éloignant les voitures des piétons sur les passages piétons;
  • pas de panneaux « M12 », alias les « cédez-le-passage cycliste », qui permettent de tourner ou continuer si aucun piéton ou automobiliste ne passe;
  • pas de dégagement des passages piétons en éloignant le stationnement, ce qui donne de la visibilité aux piétons et automobilistes et améliore la sécurité;
  • Pas de « rues aux écoles », qui permettent d’assurer la sécurité et la sociabilité aux abords des écoles.

Cette panoplie est pourtant la marque des villes modernes, cyclables, marchables et agréables. Les Maisonnais ne semblent pas devoir compter dessus: « Pas de plan vélo au programme« , nous confirmaient encore dernièrement les élus maisonnais en campagne. « Mais on a mis des arceaux vélo!« , rappelaient-ils. Ils sont aussi jolis que peu pratiques…

La loi LAURE n’est pas respectée*

Maisons-Alfort néglige le code de l’environnement et les lois « LAURE » et « LOM ». Ces textes obligent depuis 2000 les collectivités à prévoir l’aménagement d’itinéraires cyclables lorsqu’il y a des travaux de voirie, de création ou de rénovation. La jurisprudence administrative a clarifié et même étendu ces obligations, au bénéfice des usagers cyclistes et piétons de la voirie urbaine. Plus de détails ici.

Hélas, Maisons-Alfort persiste à rénover sa voirie sans l’appliquer. Derniers exemples en date: passage Imberdis (dont le pavage et les « trottoirs » ont été refaits en mars) et rue du 11 novembre (qui a connu cet été d’importants travaux du réseau de chauffage sous la chaussée).

Concernant les travaux dans cette dernière, des élus d’opposition ont protesté récemment contre le non-respect de la loi. Il y avait pourtant vraiment matière à y améliorer les mobilités: très empruntée comme chemin d’équipements sportifs et du métro, elle souffre d’un double stationnement en épis, de cheminements piétons étroits et compliqués, et pas de piste cyclable donc…

La rue du 11 novembre près du stade Delaune: double stationnement en épi et cheminements piétons compliqués.

Pour toute action concernant la circulation à vélo, Maisons-Alfort préfère ce type de communications: « Déplacements : vélos, trottinettes… les règles à respecter » ou encore « Circuler à vélo en toute sécurité : ayez les bons réflexes !« , mobilisant récemment des agents des polices nationale et municipale pour « faire de la prévention » auprès des gens à vélo… Ces mobilités sont donc davantage un problème qu’une solution?

Alors que ça bouge dans les autres villes alentours!

L’inaction de Maisons-Alfort est d’autant plus regrettable que de nombreuses villes et collectivités alentours prennent les choses en main et améliorent la vie de leurs administrés:

Il est incompréhensible que Maisons-Alfort reste ainsi bloquée dans le « tout-voiture » et prive les Maisonnais de moyens de déplacements efficaces, plaisants, économiques, bons pour la planète, la santé et la sociabilité. Puisse la ville se ressaisir. Notre association renouvelle aux élus et aux services techniques ses demandes et offres de services la concernant, pour enfin faire bouger la ville…

[Mise à jour du 20/10/2022: un habitant nous a signalé un nouvel aménagement, tout récent, rue de l’Amiral Courbet, quartier Alfort côté Marne: la mise en place d’un double sens cyclable, dans une rue passée à 30 km/h, semble-t-il rénovée en septembre. L’aménagement est parfaitement signalé en vertical des deux côtés, et en horizontal sur la chaussée. De quoi tempérer une de nos remarques plus haut, marquée d’une *, concernant l’absence de DSC. Le début d’une nouvelle ère?]

Tout récent, un double sens cyclable à Maisons-Alfort, rue de l’Amiral Courbet. Le panonceau « sauf cyclistes » est bien présent à l’autre extrémité, sous le « sens interdit »… Le premier d’une longue série?
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15 réponses à Maisons-Alfort, où la voiture règne sans partage

  1. Bourdariat dit :

    Très bon article.
    Ce qui est dit de Maisons-Alfort pourrait être repris à l’identique pour Créteil !

    • Peperlito dit :

      Bonjour, en effet! Nous avons justement fait des articles du même type concernant Créteil; par exemple celui-ci: https://partagetarue94.fr/2022/04/02/240-facons-de-gener-les-pietons-en-2-heures-a-creteil/

      • Michel Q dit :

        Bonjour à vous,
        Bien d’accord, sur la qualité de l’article d’une part, merci, sur le fait qu’on peut étendre la critique en plus de Créteil à d’autres communes voisines du Val-de-Marne d’autre part, au moins à Choisy-le-Roi et Thiais (on en parle peu) sur les rues desquelles j’use régulièrement mes pneus. Comment s’en sort-t-on puisque « rien » ou si peu bouge ?

        • Peperlito dit :

          Merci; en effet les problèmes pointés à Maisons-Alfort et Créteil se retrouvent dans la plupart des communes du Val-de-Marne… Comment améliorer les autres mobilités et sortir du « tout-voiture »? Vaste question, mille pistes (élire les bons élus, interpeller les autres, montrer l’exemple, manifester sa désapprobation aux contrevenants, adhérer aux assos, saluer les avancées, critiquer certaines erreurs…). En tous cas les choses changent, plus ou moins vite selon les villes mais elles changent, dans le bon sens semble-t-il. Nombre de villes améliorent les choses en France, les bonnes pratiques font « tâche d’huile », on le voit en Val-de-Marne avec des villes comme Charenton-le-Pont ou Bonneuil par exemple.

    • Rosso Nathalie dit :

      J’ai écrit à la mairie pour signaler la dangerosité de l’ave de la République, l’absence de nombreux panneaux de priorité à droite, photos à l’appui. Réponse de la mairie: l’avenue de la République ne dépend pas d’eux et pour les panneaux ce n’est pas la peine de mettre des panneaux à droite puisque c’est dans le code de la route. Autrement dit: « circulez il n’y a rien à voir ». Le pire c’est le double sens autorisé en zone 30 nullement indiqué. J’ai fait l’expérience un jour: klaxon injures et même blocage du passage, bref pire que tout. Par ailleurs il manque de la signalisation au sol pour les Tricolores sauf sur les départementales qui ne dépendent pas de la mairie. Cette dernière ne semble pas se préoccuper de la vie des vélos, elle ne bougera que si nous formons un collectif ?

  2. Nico dit :

    Je confirme (et j’y habite); cette ville est inhospitalière pour tout ce qui n’a pas un moteur thermique ou fait moins de 500kg. En 2022, ça parait fou…

    D’ailleurs une question technique: sur les intersections de la D19 en allant vers Paris, qui a priorité ? Les vélos qui sont sur la piste (sur le trottoir) et traversent à coté du passage piéton, ou bien les voitures qui arrivent par la droite ?

    Ça penserait même pas à mettre un panneau pour clarifier ça…

    • Peperlito dit :

      La priorité indistincte aux intersection est l’un des problèmes des pistes départementales, on a remonté le problème plusieurs fois, tant côté département que côté mairie de Maisons-Alfort. Pas de réponse, pas d’évolution, en attendant soyez prudents…!

  3. colnie94 dit :

    Je suis d’accord sur tout. Maisonnaise et cycliste, je déplore chaque jour le manque d’aménagement cyclable dans Maisons-Alfort.

  4. Christian Van Houcke dit :

    Bonjour, Merci de m’indiquer le lien vers la page web publiant le communiqué à destination du public afin de le relayer. Cordialement, Christian Van Houcke parisecologie.com

  5. Peperlito dit :

    Bonjour, vous parlez du communiqué sur le non-respect de la loi Laure dans la rue du 11 novembre? Navré mais je n’ai pas d’autre lien que celui dans l’article…

  6. Peperlito dit :

    Oui non, on vous rejoint: il reste beaucoup à faire à Saint-Maur-des-Fossés… Si nous la citons parmi les villes alentours qui changent favorablement, retenons qu’ils sont bien plus avancés avec le gros de la commune en zone 30, des modifications du stationnement pour enlever les voitures des trottoirs, une communication qui va dans la bonne direction et une nouvelle phase de leur plan ‘ville durable’ qui s’ouvre (mais à suivre en réalisation concrète…). A Maisons-Alfort on est loin de tout ça…

  7. Stéphane Bry dit :

    Bonjour et merci pour cet état des lieux. Il faudrait aussi ajouter que le stationnement à Maisons-Alfort est en grande majorité gratuit : cela crée un effet d’aspiration pour les automobilistes soucieux d’un stationnement courte ou longue durée à moindre coût !

  8. Louis dit :

    Bonjour,
    Merci de votre article documenté et détaillé.
    La situation à Maisons-Alfort est identique à celle de Vitry-sur-Seine. La voiture est omniprésente. La conduite dangereuse et arrogante (vis-à-vis de piéton et cycliste) s’est banalisée. Ce n’est plus une ville marchable.

  9. pedalo 94 dit :

    Excellent article sur Maisons-Alfort. Les maisonnais et les maisonnaises préfèrent la voiture et ceux sont elles et eux qui votent …
    Concernant Saint-Maur des Fossés, la ville est passée à 30km/h. Un responsable du service technique indique que le Code de la route permet aux cyclistes d’emprunter le (double sens cyclable) mais le Code général des collectivités Territoriales ne le permet qu’à la condition que des panneaux soient mis en place. Le responsable est à la recherche d’une solution. En attendant, il est préférable de s’abstenir.

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