Ces derniers jours, le Collectif Vélo Île-de-France (dont PartageTaRue94 est membre) a publié un observatoire du Réseau Vélo Île-de-France (VIF). Cet outil permet de suivre en un clin d’œil l’état d’avancement du projet, porté par la Région Île-de-France, de déploiement d’itinéraires cyclables structurants au travers de l’agglomération parisienne.
Feu rouge pour la V20. En décembre 2023, 55% des aménagements prévus pour 2025 sont en place. Parmi les points de blocage, la ligne V20 qui doit traverser le Val-de-Marne le long de la RD86. Elle est à l’arrêt dans les communes de Choisy-Le-Roi, Créteil, Saint-Maur et Nogent-sur-Marne.
Où en est-on à Créteil ? (les nerfs à vif)
Des coronapistes avaient été mises en place sur la RD86 par le département en mai 2020 département dans le cadre de la crise sanitaire. Cet aménagement temporaire réservait une voie de circulation dans chaque sens aux déplacements à vélo, restreignant la circulation automobile dans les deux directions.
Le 5 juillet 2020, Laurent Cathala est réélu Maire de Créteil et présente dans son discours inaugural son opposition à cet aménagement. Il y présente les coronapistes comme un dispositif qui relève de l’écologie punitive qui ne peut pas recevoir l’assentiment des concitoyens. Les sondages ne vont pourtant pas dans ce sens : les français souhaitent majoritairement réduire la place de l’automobile dans le pays et pérenniser les coronapistes.
Le Maire d’ajouter qu’elles portent préjudice au fonctionnement de la ville (ses commerces, ses activités économiques, ses administrations, ses établissements publics). Or, de nombreuses personnes habitent les communes limitrophes mais se rendent à Créteil en voiture faute d’aménagements cyclables adaptés. Le fonctionnement de la ville ne serait que meilleur si toutes les personnes qui le peuvent dont le trajet est inférieur à 7km optaient pour le vélo plutôt que la voiture (moins d’embouteillages, moins de bruit, moins de pollution, moins de frais liés aux déplacements, meilleure mobilité des personnes qui n’ont pas le budget pour posséder une voiture, etc.).
Dans un article publié en octobre 2020 dans le journal de la ville « Vivre ensemble », la suppression totale des coronapistes est expliquée au motif qu’elles empêchent les bus de circuler correctement (nous y reviendront dans nos propositions), tandis que les aménagements cyclables ne semblent pour lui acceptables que lorsqu’ils sont sur les trottoirs (ce qui est un véritable problème selon nous).
Quels sont les projets de la ville ? (ce n’est pas bien vif)
Pour les futurs aménagements cyclables à Créteil, la Mairie s’en remet désormais au plan vélo du GPSEA. En ce qui concerne la RD86, et donc l’itinéraire V20 du réseau VIF, celui-ci prévoit des itinéraires cyclables empruntant les contre-allées de stationnement (avenue de Verdun) ou les trottoirs (rue des Mèches) ; mais absolument rien n’est prévu sur la portion de 500m entre le conservatoire (métro Créteil Université) et la Haye aux-Moines.
Ces aménagements envisagés par le GPSEA sont peu ambitieux et préservent la domination automobile de l’urbanisme cristolien. Nous déplorons que quand la place manque, ce ne sont pas les quatre voies dédiées à la circulation automobile, ni les places de stationnement qui sont remises en question, mais que c’est aux cyclistes et piétons qu’il est demandé de faire des concessions.
Il est à noter que cela ne respecte en aucun cas le cahier des charges de la région Île-de-France qui ne subventionnera les aménagements cyclables du réseau VIF que s’ils répondent à leurs critères de qualité (Cf. page 10 de ce document). Il est tellement dommage de ne pas saisir cette opportunité offerte par la région ! De plus, le plan vélo du GPSEA prévoit que ces aménagements sur la RD86 soient financés par le Val-de-Marne ; mais le conseil départemental ne débloquera pas non plus les fonds ces opérations si elles ne respectent pas leur propre cahier des charges (que nous espérons aligné aves les préconisations du CEREMA) pour des aménagements à la hauteur des objectifs climatiques. Nous espérons donc que le GPSEA reverra à la hausse la qualité de ses projets de manière à pouvoir bénéficier de l’aide financière conjointe de ces deux collectivités territoriales.
Entrons dans le vif, que proposons-nous ?
La configuration de la RD86 ne permet pas d’envisager l’aménagement d’une piste cyclable bidirectionnelle sur toute sa longueur, tandis qu’il est dangereux et inefficace de faire alterner un itinéraire entre des pistes bilatérales et pistes bidirectionnelles (comme c’est le cas pour la liaison Maisons-Alfort – Créteil via la D19). Pour cette raison, nous proposons d’aménager des pistes cyclables bilatérales, séparées du trottoir et de la circulation automobile, mais aussi que le site propre du TVM soit prolongé sur l’ensemble de son trajet à Créteil. Cette solution présente de nombreux avantages :
- Garantir une meilleure régularité de la ligne de bus la plus fréquentée d’Europe.
- Permettre aux véhicules d’urgence d’intervenir rapidement en empruntant le site propre du TVM.
- Créer un itinéraire cyclable structurant au niveau régional
- Permettre aux cyclistes de se déplacer à travers la ville et le département en sécurité (ce qui est souvent le principal obstacle à l’adoption du vélo)
- Mettre à disposition un aménagement suffisamment large pour permettre les dépassements (au contraire des voitures qui roulent à la même vitesse, les cyclistes roulent à des allures qui varient du simple au double) et le passage de vélos-cargos (pour faire ses courses, pour emmener les enfants à l’école, pour les artisans, pour les livraisons du dernier kilomètre, etc.).
- Augmenter le débit de circulation de la voirie : les vélos occupent beaucoup moins de place par voyageur que les voitures. Le report modal devient la solution la plus efficace, à la fois pour diminuer les émissions de CO2, mais aussi pour diminuer les congestions.
Face aux difficultés, taillons dans le vif
La partie le plus délicate à aménager est certainement la rue des Mèches, notamment à la hauteur du numéro 34, où le site propre du TVM est interrompu dans les deux sens pour laisser places à deux fois deux voies à circulation automobile (sans compter le trottoir qui permet d’accéder au parc Dupeyroux qui est utilisé comme contre-allée par les voitures souhaitant se garer).
Pour cette portion de la RD86, nous proposons de supprimer des places de stationnement et de modifier les trottoirs (en préservant tous les arbres) de manière à y faire transiter les pistes cyclables tout en conservant quatre voies de circulation pour les véhicules motorisés (dont deux que nous voulons restreindre aux bus et aux véhicules d’urgence qui ne seraient alors plus ralentis par les bouchons comme c’est le cas aujourd’hui).
Cette proposition ambitieuse favorise les transports en commun, les vélos et les piétons, à savoir les modes de déplacement qui sont à développer pour répondre aux enjeux de la transition écologique. Elle vient aussi réduire l’effet de coupure urbaine que cette départementale crée dans la ville, à la faveur des échanges entre les quartiers et du vivre ensemble.
L’arrêt de bus ici représenté n’est pas desservi par le TVM ; c’est un arrêt peu fréquenté de ligne 317 (Château), les montées et descentes des usagers du bus y sont peu nombreuses mais elles devront être anticipées par l’aménagement. Précisons que ce problème ne serait pas présent à la hauteur de l’arrêt du TVM Église de Créteil, car la chaussée y est suffisamment large pour que la piste cyclable passe à l’arrière du quai de bus.
Ces travaux requièrent de déplacer du mobilier urbain (réverbères, panneau publicitaire, feux de signalisation…) sur 370m côté impair (entre la rue Déménitroux et la rue du château) et 140m côté pair (entre la rue du château et la rue de Bordeaux). Cela représente un surcoût important par rapport au projet du GPSEA pour une petite portion de la V20 et du TVM, mais il se justifie totalement au regard de l’intérêt régional de cet axe de transit.
Ne nous arrêtons pas en si bon chemin
En dehors de la RD86, nous constatons des efforts de la municipalité pour aménager des itinéraires cyclables à Créteil. Nous regrettons cependant de ne pas avoir été consultés en amont de ces projets car ils ne respectent généralement pas deux principes essentiels : la piste cyclable est une chaussée (article R110- 2 du code de la route) et la peinture n’est pas une infrastructure. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le nouveau carrefour Pompadour est quasiment le seul aménagement de la ville qui les respecte, et il n’attend plus que d’être desservi par de véritables pistes cyclables le long de la RD86, de la N6 et de la N406.
L’association PartageTaRue94 se montre volontaire pour ouvrir le dialogue avec les équipes de la ville de Créteil, du GPSEA et du département, afin d’améliorer ensemble les futurs aménagements de l’espace public.
Merci pour cet article et vos actions.
Des pistes cyclables dédiées limiteraient également de se prendre de plein fouet le mépris verbal et physique (à qui frolera le plus) de certains automobilistes (qui n’ont pas eu la chance de goûter au joies du vélo) et qui réduit parfois à néant la volonté de certains cristoliens de changer de mode de transport.